110] "La Reine des Roms" se raconte vendredi à 0h15 sur TSR 2

Aux sources indiennes du chant des Roms

RODERIC MOUNIR   

DOCUMENTAIRE - Le réalisateur genevois Louis Mouchet a suivi Esma Redzepova, la «Reine des Roms», sur les traces de ses ancêtres. A voir vendredi sur la TSR.

On les appelle les gens du voyage. Une dénomination tantôt romantique, tantôt péjorative. Or la diaspora des Roms – ou Rroms, Gitans, Tziganes, Manouches, Romanichels – a une histoire, des causes. C'est vers 1000 après J.-C. qu'a débuté l'exode de ce peuple nomade, depuis l'Inde d'où il est originaire selon toute vraisemblance. Discriminés au sein de la société indoue, les Roms ont progressivement émigré vers l'Asie mineure, puis vers l'Europe. C'est ce chemin que refait à l'envers Le Chant des Rroms, documentaire à voir ce vendredi sur TSR2 dans la case «Le doc CH». Une coproduction des trois chaînes de télévision nationales (TSR, DRS, TSI) avec le Fonds Regio, la coopération suisse (DDC) et la société genevoise Neovision.

Le Chant des Rroms adopte le regard d'Esma Redzepova, une diva macédonienne qui a parcouru le monde dès les années soixante. Dans son album photo, on la voit poser aux côtés de stars tels que Richard Burton et Elizabeth Taylor.

Au départ, à l'école, raconte-t-elle, son teint mat lui a valu l'hostilité de ses camarades. «Ne t'inquiète pas, rassure sa tante, nous venons d'un pays où il y a beaucoup de soleil.» Ce pays, c'est l'Inde, qui l'accueillera plus tard comme l'une des siennes. Indira Gandhi consacre Esma Redzepova «Reine des Roms» et l'invite en 1983 dans un festival consacré à la culture rom. Dénué de commentaire off, le film de Louis Mouchet s'attarde dans les rues de Skopje, avec ses fêtes, ses danses, si importantes pour le lien communautaire. Le propos s'enrichit des explications du linguiste français Marcel Courthiade (qui s'exprime lui-même en romani). On apprend que les Roms vénèrent Sainte Sarah, des Saintes-Maries-de-la-Mer en Camargue, dont la peau noire laisse penser qu'elle est indienne – d'autant que son autre nom, Sara-la-Kali, évoque clairement la déesse indienne Kâlî. La caméra s'envole donc avec Esma Redzepova vers la Provence puis l'Uttar Pradesh indien, à Kannauj, où ont lieu des processions en l'honneur de Kâli. Le terme rrom vient du sanskrit rromba, qui décrit une catégorie d'artistes dont les chants et les danses enseignent la mythologie aux gens simples. Quand la voix d'Esma Redzepova s'élève et vibre sur les berges du Gange, la boucle est bouclée. Et les Roms, bien souvent réduits à l'image de mendiants ou de voleurs dans l'imaginaire collectif et dans les gazettes de boulevard, renouent avec une tradition millénaire méconnue.

Note : Vendredi 5 décembre à 0h15 sur TSR2.

source : www.lecourrier.ch du 4 décembre 2008 par Roderic Mounir